NZ 19 : L’île du bout du monde

On m’a beaucoup vanté les mérites d’Invercargill, la ville la plus au sud du pays : c’est moche, c’est nul, y’a rien à faire, la météo est pourrie, etc. Personnellement, la première chose qui me frappe quand notre bus arrive dans la place, c’est : Invercargill, c’est plat. Une grande crêpe avec des rues interminables et des maisons plantées à intervalles réguliers dans ce grand quadrillage. Ça a quelque chose d’impressionnant. Au delà de ça, après quelques déambulations dans ce qui sert de centre-ville, je dois reconnaître que les qualités précitées ne sont pas franchement fantasmées : c’est sûr, c’est pas joli joli. Quelques bâtiments un peu kitch mais atypiques cassent la monotonie, mais pas franchement de quoi tomber à la renverse. Il y a un nombre relativement important de boutiques et maisons abandonnées ou fermées, ce qui ne renforce pas follement l’attrait du lieu. Mais il fait beau et bon dans les rues, ça sent le soir d’été ; je n’avais pas ressenti ça depuis longtemps.

Tuatara statue - Invercargill

Je ne voyage plus qu’avec un autre Français (que nous appellerons Jérémy car c’est son nom et je risque à la longue de manquer de périphrases), nous avons laissé le reste de notre petit groupe poursuivre par d’autres routes.

Pour le peu de temps que nous y passerons, Invercargill ne me laissera pas un souvenir déplaisant. Ce n’est qu’une étape, un passage obligé vers notre prochaine destination : l’île du sud de l’Île du Sud, Stewart Island. Troisième plus grande île de Nouvelle-Zélande, la moins fréquentée, la plus sauvage, oubliée de la plupart des touristes car il n’y a pas grand chose à y faire si vous n’aimez pas la verdure. Au dernier recensement de 2013, l’île de 1746 km² comptait 381 habitants (soit une densité approximative de quatre habitants et un cul-de-jatte au kilomètre carré) dont la majeure partie réside à Oban, petit bled de bord de mer situé au creux d’un petit golfe, sur la côte est.

Oban

Stewart Island compte l’une des neuf « Great Walks », plus ou moins arbitrairement présentées comme les randonnées les plus fameuses de Nouvelle-Zélande. Mais Stewart Island possède surtout un secret caché dans ses forêts, un mystère qui vaut à lui seul de s’y aventurer pour tenter de le découvrir.

Pour les voyageurs, seulement deux auberges, une grosse qui regroupe la majeure partie des voyageurs, et une plus modeste mais aussi beaucoup plus conviviale située quelques mètres plus loin. Nous parvenons à nous dégoter une place dans la seconde, et le lendemain après-midi de notre arrivée à Invercargill, nous prenons une navette vers Bluff où se situe le ferry vers l’île perdue. Après une traversée ensoleillée mais mouvementée sur le bateau de taille modeste, nous débarquons et découvrons notre lieu de jolie résidence pour les prochains jours.

Les deux personnes qui s’occupent de l’endroit actuellement sont un couple de jeunes composé d’une Anglaise et d’un Allemand, particulièrement amicaux et disponibles pour la moindre question. Ils nous informent qu’il est possible de voir des kiwis, une fois la nuit tombée, au rudimentaire terrain de rugby de la ville. Évidemment excités à l’idée d’apercevoir l’oiseau légendaire, nous partons en chasse une fois la nuit tombée, armés uniquement de nos appareils photo. Nous savons qu’il ne faut pas diriger de lumière vive sur eux en cas de rencontre. À Auckland, j’avais hérité d’une lampe de poche promotionnelle qui détient probablement la palme de la lampe la plus inefficace du monde. Elle projette à un mètre un ridicule petit halo jaunasse d’une trentaine de centimètre de diamètre. Je vais enfin utiliser son inefficacité à mon avantage, à défaut d’avoir une lampe à lumière rouge, plus appropriée pour l’expérience.

Kiwi signpost

Nous sommes de grands professionnels : nous avons écouté au préalable sur Internet le chant du kiwi. Il se trouve que l’animal en a plusieurs et que les femelles n’ont pas le même cri que les mâles. Après quelques centaines de mètres et en ayant réussi l’exploit de partir dans la mauvaise direction dans ce village ridicule, nous entendons des cris que notre oreille experte semblent reconnaître comme appartenant à l’oiseau rare. Nous finissons par débusquer le champ qui sert de terrain de rugby. À sa lisière, une petite forêt qui pourrait bien abriter quelques spécimens. Nous parcourons attentivement les contours du terrain, dans une excitation et une tension palpables. Il fait nuit noire et sans le secours d’un réverbère à proximité du terrain, on n’y verrait pas grand chose.
Mais après plusieurs allers et retours et une écoute attentive, nos recherches s’avèrent vaines. Nous entendons bien quelques bruissements dans la forêt, parfois un cri au loin, mais difficile de savoir franchement s’il s’agit bien de kiwis ou d’opossums (moins nombreux que sur les îles principales, cette espèce invasive demeure présente ici), ou même d’une branche agitée par le vent. Nous perdons un peu espoir et décidons de profiter du magnifique ciel étoilé, non parasité par des lumières alentour, pour tenter quelques clichés. Jérémy a acheté un trépied et tente de l’étrenner pour l’occasion. Après quelques essais infructueux, nous parvenons à faire quelques photos convaincantes.

Il doit être près d’une heure du matin quand nous décidons de rebrousser chemin vers l’auberge. En longeant une zone boisée, quelque chose bouge et vient vers nous. Nous nous immobilisons. Nous savons tous les deux, sans parvenir à le distinguer clairement, ce qui nous fait face. Nous scrutons les ténèbres, en quasi apnée et le cœur battant. Le kiwi s’approche assez rapidement, s’arrête lui aussi, comme pour mieux nous observer. Puis il se remet à courir, décrivant un cercle autour de nous à une vitesse qui nous surprenant tous les deux. Puis il s’approche, et je sens à travers mon pantalon de toile le bec de l’animal inspecter le curieux visiteur que je suis. Je murmure l’information à Jérémy qui a l’air aussi fasciné que moi. Le kiwi vient tapoter sur mes chaussures, comme pour sonder s’il y a là-dedans quelque chose d’intéressant. Totalement pris par surprise, nous tentons de rassembler nos esprits et de faire quelques clichés qui s’avéreront tous plus noirs les uns que les autres. Le kiwi part inspecter mon camarade, puis s’éloigne aussi vite qu’il est arrivé, nous laissant là, haletants et surexcités par la rencontre.

Le mythe, le symbole de la Nouvelle-Zélande, est venu à nos pieds. Le kiwi est représenté partout, mais la majeure partie des Néo-Zélandais ne l’a jamais rencontré que dans des zoos, à travers une vitre de protection. Nous avons touché du doigt, ou plutôt du pied, l’emblème national. La rencontre, dans le mystère et l’opacité de la nuit, était grisante et fascinante à point que je n’aurais pas soupçonné. Surtout, nous nous préparions à apercevoir et à approcher prudemment l’animal pour tenter de mieux l’observer, alors qu’il s’est produit l’exact opposé : nous étions les curieux spécimens pour lui. Nous regagnons l’auberge surexcités, bien décidés à recommencer l’expérience le lendemain.

Rakiura Track

Mais nous ne pourrons pas retourner à notre poste d’observation, car nous avons prévu quelque chose. Nous sommes début février, c’est-à-dire le plein été ici, et la météo semble enfin nous le faire véritablement comprendre en nous promettant plusieurs jours de plein soleil. Nous avons décidé d’en profiter pour aller parcourir les sentiers de cette fameuse randonnée. Essentiellement recouverte par de la forêt, la Rakiura Track, d’une longueur relativement réduite (32 km), n’est sans doute pas la plus spectaculaire des Great Walks de Nouvelle-Zélande. Son intérêt somme toute assez limité me fait supposer qu’on décerna ce titre à cette randonnée afin d’attirer davantage de touristes marcheurs sur ce caillou du bout du monde. Mais avec la perspective d’apercevoir des kiwis une fois l’obscurité tombée joue largement en sa faveur et vaut de tenter le périple. Les athlètes parcourent la boucle qu’elle forme en une journée, les bons marcheurs en deux, les flâneurs que nous sommes et la majorité des randonneurs prennent trois jours, ou plutôt deux demi-journées et une journée, pour en faire le tour. En incluant la route qui quitte et rejoint Oban et qui ne fait pas vraiment partie de la rando, comptez une petite quarantaine de bornes.

Rakiura Track

Notre périple se déroule sans problème. La piste manque de diversité dans ses paysages mais propose néanmoins certains points de vue qui valent le coup d’œil. Quelques accès à de jolies petites plages désertes cassent un peu la monotonie des zones boisées. Ne possédant pas de tente et de toute façon peu enchantés à la perspective d’en transporter une, nous avons décidé de dormir dans une sorte de refuge/abri installé par le Department of Conservation (le DOC, le ministère chargé de préserver la nature néo-zélandaise). Rudimentaires (pas d’électricité ni d’eau courante, toilettes sèches et évidemment pas de douche), ils remplissent cependant très bien leur rôle quant à fournir un domicile correct pour passer une nuit. Sur les deux soirs passés sur place, je suis à chaque fois parti à la chasse au kiwi. Mes deux tentatives furent couronnées de succès, en particulier la seconde où nous avons pu voir nettement un kiwi s’approcher prudemment de nous et passer à quelques centimètres. L’expérience est toujours aussi grisante, on ne sait jamais exactement où se trouve l’animal mais on l’entend approcher, remuer les feuilles et les branchages avec parfois un boucan assez impressionnant, et, si l’on s’arme de suffisamment de patience, on finit par distinguer l’animal dans le halo atténué des lampes. Mais malgré nos efforts, nous ne parvenons par à réussir un cliché de la bête légendaire dans la nuit noire des sous-bois. Frustrant. Nous voudrions tellement ramener une preuve de notre réussite pour frimer auprès de tous ceux qui ont dédaigné cette île où, paraît-il, il n’y a pas grand chose à voir.

Rakiura Track

Notre dernière journée de rando nous voit partir sous un ciel menaçant qui parfois lâche sur nous quelques averses. Dommage, car cette ultime portion de piste possède sans doute les plus belles zones de plage, il aurait été chouette de voir ça sous le soleil. Nous regagnons notre petite auberge pour deux nuits supplémentaires. Deux dernières chances pour obtenir un cliché de kiwi. Fatigué par notre treck, Jérémy me laisse seul retourner au terrain de rugby pour tenter de réaliser l’exploit. Être seul dans la nuit noire réveille malgré moi quelques frayeurs ancestrales. L’oreille aux aguets, j’essaie de me diriger vers les bruits suspects, alors que mon instinct primaire me conseillerait plutôt de foutre le camp sans tarder. Et, à moitié flippé, à moitié crevé, j’écourte ma quête et regagne l’auberge, sans succès.

Un grand soleil au réveil. Stewart Island est déjà réveillée depuis plusieurs heures et vaque doucement à ses occupations, sous un ciel bleu sans fausse note nuageuse. Une journée qui sent le plein été, les vacances, une journée tranquille dans ce petit village de bord de mer perdu sur son île sauvage, et qui murmure doucement qu’il n’est à cet instant pas de meilleur endroit au monde.

Il s’insinue pourtant en moi comme une vague nostalgie. Je dois quitter les lieux le lendemain et je n’en ai pas vraiment envie. J’aurais tant aimé rester encore sur mon île du bout du monde. Mais il y a autre chose. Quand je regarde la carte de la Nouvelle-Zélande, un triste constat s’impose : il me sera difficile descendre plus au sud. Ici, c’est le bout de la route, plus rien ou presque que la mer, jusqu’à l’Antarctique. Et je sais qu’à partir de maintenant va commencer quelque chose de différent : la lente remontée vers le nord, le début (le tout début, mais le début quand même) de la fin de mon voyage.

Rakiura Track

Pourtant, il ne sera pas dit que je quitterai Stewart Island avec un soupçon de vague-à-l’âme.

Le bar du coin (quand je dis « le bar du coin », ce n’est pas une façon de parler : c’est littéralement LE bar du coin, l’unique endroit où boire un coup sur toute l’île. La concurrence n’est pas terriblement rude.) organise son hebdomadaire soirée quiz. Les gérants de l’auberge y ont participé la dernière fois et ont récolté une déshonorante dernière place. On nous embauche dans l’équipe, Jérémy et moi, pour tenter de ne pas faire aussi bien.

Le jeu consiste en une série de questions de culture générale criées à la cantonade, au milieu du bar bondé, par la gérante qui en impose tant physiquement que vocalement. On se consulte dans l’équipe avant de noter notre réponse sur la feuille distribuée en début de partie. Et punaise, c’est pas évident. Dans les auberges de jeunesse, il traîne souvent un Trivial Pursuit édition néo-zélandaise qui parfois nous occupe à nos moments de désœuvrement, et dans lequel on trouve toujours des questions impossibles sur les exploits d’un joueur de cricket de l’équipe nationale quelque part dans les années 80. Mais les questions des autres catégories sont souvent relativement accessibles. Ici, au contraire, nous sommes assez scotchés. De vraies questions de culture générale, mais d’un niveau coriace. Je vous en fournis quelques-unes, histoire que vous jouiez aussi : donnez le nom des quatre parties du cœur (en anglais, s’il-vous-plaît), la longueur de la frontière États-Unis/Canada (6891 km, 7891km, 8891km, 9891km?), l’origine géographique du colibri, le rôle qu’ont eu en commun Sidney Poitier, Danny Glover et Morgan Freeman (un président américain, Martin Luther King, Nelson Mandela, Dieu ?). Une trentaine comme ça sur des sujets divers et variés. Deux questions musicales dont je trouve la réponse, mon honneur est sauf (qui chante, et dans quelle chanson, les paroles « You’re happy when I’m on my knees/One day is fine, the next it’s black/So if you want me off your back » ; même question pour les paroles « And if you go chasing rabbits/And you know you’re going to fall/Tell ’em a hookah smoking caterpillar/Has given you the call »).

On répond pas mal plus ou moins au pif mais les quatre membres de notre équipe sont somme toute assez complémentaires et nous fournissons une réponse, parfois malgré tout très aléatoire, pour la plupart des questions. Heureusement que nous possédons une Anglaise dans notre groupe, car dans le brouhaha et les clameurs du bar, il n’est pas toujours aisé de comprendre les questions.

Il y a une question supplémentaire, sorte de fil rouge qui vous file des points bonus. Il s’agit de deviner quelque chose, un indice sur la nature de ce qu’il faut trouver étant fourni toutes les cinq questions. Les équipes peuvent alors aller murmurer une réponse à l’oreille de l’animatrice, la première équipe qui trouve récoltant le bonus. Le premier indice fourni nous indique qu’il s’agit d’un objet. C’est vaste. Jérémy suggère un drapeau, il en a vu un flotter sur le chemin qui nous amène au bar. Et puis il y a quelques jours, c’était la fête nationale, alors pourquoi pas. Évidemment, ce n’est pas… Ah, si, c’était un drapeau. Nous avons écœuré le tout Stewart Island là-dessus.

Une fois que tout le monde a fourni ses réponses et que le temps imparti est écoulé, les résultats des équipes sont dévoilés, du moins bon au meilleur. Nous attendons le nom de notre équipe avec appréhension, puis davantage de soulagement à mesure que les places déshonorantes s’éloignent. Et puis, il s’avère qu’il ne reste plus beaucoup d’équipes, alors la pression se réinstalle : et si nous avions vraiment réussi quelque chose au-delà du correct ? Dans le genre, même, pas mal du tout ? Il reste cinq équipe, et puis quatre, trois, deux, et nous sommes dedans. Avec un score de 34,5 sur 40 (mais avec notre bonus et quelques questions comptant double), nous apprenons avec incrédulité que nous venons de remporter haut la main le quiz de-le-bar-de-Stewart-Island, sous vos applaudissements. Certes, le prix de la victoire est plutôt mince (de quoi payer à notre équipe une tournée au bar), mais la gloire et le prestige, évidemment, sont immenses. Une ligne de plus sur mon CV, presque. Et surtout un excellent moment passé en compagnie de la petite communauté d’Oban, et une jolie façon de conclure notre séjour ici.

Stewart Island

Conclure ? En fait, non, pas tout-à-fait. Avant de partir, nous nous devons de tenter une dernière sortie « chasse au kiwi ». Ce soir, nous sommes assez nombreux et équipées de lampes à lumière rouge. J’ai appris à mieux maîtriser mon appareil pour capter un maximum de lumière dans la nuit noire. La lune est de sortie et devrait nous épauler un peu. Nous retournons au terrain de rugby, et nous nous dispersons un peu. Après un bon moment à inspecter différents coins en petits groupes, un rassemblement des troupes s’opère. Quelques bruits, mais pour tout le monde, rien de foncièrement concluant. Peut-être sommes nous trop nombreux à traquer l’oiseau rare. Si tel est le cas, les choses devraient s’améliorer : les recherches nocturnes infructueuses découragent les moins persévérants qui regagnent l’auberge. Nous ne sommes plus que quatre, mais après une nouvelle séance de traque, nous ne sommes pas plus chanceux. Nous décidons d’inspecter tout un chemin de forêt qui jouxte le terrain : rien, rien, décidément rien. Cela fait maintenant deux heures que nous sommes bredouilles et nous commençons à désespérer. Nous nous motivons pour tenter d’aller inspecter un dernier endroit : l’aéroport. Il peut sembler curieux d’aller chercher des kiwis dans un endroit pareil : bien au contraire, les kiwis ne sachant pas voler, ils prennent l’avion. Non, la véritable raison est que « l’aéroport » de Stewart, c’est une piste goudronnée au milieu d’un champ et entouré de buissons et autres fourrés. Un vaste endroit dégagé où l’on plus facilement apercevoir les kiwis qui s’y aventurent. L’endroit est à plusieurs kilomètres de marche, et il ne fait pas particulièrement chaud au milieu de la nuit. Surtout, la fatigue commence à nous gagner, le découragement aussi. Une fois sur place, nous reprenons nos inspections par groupes de deux, mais le cœur n’y est plus tellement. Jérémy et moi décidons de rejoindre les deux autres membres de notre expédition. Nous repérons les faisceaux rouges de leurs lampes à quelques centaines de mètres. Ils semblent dirigés vers quelque chose. Nous nous approchons, il y a une boule ronde au sol et personne n’a emmené de ballon de foot : enfin ! Avec la même curiosité que lors de notre première rencontre, quand nous nous trouvons à quelques dizaines de pas, le kiwi délaisse nos camarade pour venir à notre rencontre. Les déclencheurs des appareils photos s’emballent, surtout qu’avec les lumières rouges, nous pouvons l’éclairer sans crainte. Il tourne dans les parages, tantôt s’éloignant, tantôt revenant vers nous. La faible luminosité et son mouvement incessant rend la prise d’une photo nette quasi impossible. Mais sur l’écran de mon appareil, j’ai désormais des preuves, une magnifique série de photos floues dignes du meilleur chasseur de yéti et autre monstre du Loch Ness, de celles qui ne convaincront jamais que ceux qui veulent y croire.

Et puis, comme un signe du destin, alors qu’il s’approche suffisamment et qu’il s’immobilise une seconde, dans le halo d’une lumière, je presse le déclencheur pour immortaliser le cliché, la photo qui demeurera peut-être celle dont je suis le plus fier dans tout mon séjour néo-zélandais. Avec un minimum de connaissances en matière de photographie, de chance et de faculté à être là au bon moment, n’importe quel touriste équipé d’un bon appareil aurait pu prendre les photos qui émaillent ces articles, mais celle-ci, je l’ai espérée, cherchée, quêté avec acharnement pendant cinq jours ; cette photo obscure et qui n’a l’air de rien, je la sauve entre toutes. Celle-ci, malgré l’aide précieuse de mes compagnons, c’est ma photo, celle que je montrerai, celle qui sera là et attestera aux yeux de tous : oui, j’ai vu un kiwi dans la nature en Nouvelle-Zélande.

Kiwi at night