NZ 1 : Décollage

Pour se rendre à l’autre bout de la Terre en un temps réduit, il n’y a à l’heure actuelle que deux technologies disponibles : le téléporteur ou l’avion. La présence d’insectes volants dans l’habitacle durant le processus de dématérialisation étant a présent considéré comme un facteur de risques aux conséquences potentiellement fâcheuses, l’autre option restait préférable.

Vingt-deux heures de vol, et un peu plus de deux heures d’escale à Kuala Lumpur en Malaisie pour relier Paris et Auckland, principale ville de Nouvelle-Zélande (même si la capitale est Wellington). La première portion du trajet me voit découvrir l’A380, le mastodonte du ciel. Avec un écran tactile perso permettant de visionner un assez grand nombre de films récents (certains sortis même depuis peu au ciné comme Django Unchained ou The Hobbit), écouter des albums de musique, jouer à des jeux, visionner tout un panel d’informations de vol, le temps passe relativement bien, jusqu’à ce qu’on réalise qu’on vient de passer 5h assis et que ça nous a déjà paru une éternité. Que la moitié de la moitié du trajet n’est pas encore atteinte. C’est long, définitivement, alors on tente assez peu efficacement de piquer un somme. Pour l’anecdote, au décollage et à l’atterrissage, une caméra placée sur la queue de l’avion filme les manœuvres  Assez impressionnant, j’ai aussi eu une pensée émue pour tous les flippés de l’avion qui se voient ainsi imposer leur mort certaine en direct à la TV.

A côté de moi, un couple de Français plutôt sympas mais un peu beaufs sur les bords. Ils m’ont dit qu’ils voulaient ouvrir une crêperie en Thaïlande, quelque chose dans cette veine. Le gars vient sur place depuis vingt et baragouine à peine deux mots d’anglais. Le thaï, n’en parlons pas. « Y’a plein de Français sur place, pis les gens sur place parlent pas mal français alors c’est facile ». Oui, c’est effectivement facile. Bon, tu n’as pas compris que l’hôtesse de l’air te demandais si tu voulais de l’omelette au fromage, et que ce n’était du coup pas la peine de lui faire signe que tu veux juste du fromage, pas d’omelette : techniquement, ça risque d’être assez compliqué. Je joue un peu les interprètes. « Faudrait quand même que j’apprenne l’anglais ». Ouais, ça pourrait éventuellement être utile.

Je ne sais jamais trop quel repas on nous sert. On avance dans le sens inverse de la course du soleil, et la journée défile donc deux fois plus vite. De toute façon, les plateaux repas sont assez composites pour passer pour des petits déj/déjeuners/dîners de façon à peu près interchangeable. Soyons honnête, pour de la bouffe d’avion, c’est comestible

D’autres jeunes Français croisés au changement d’avion à Kuala Lumpur font un voyage similaire au mien, avec visa vacances-travail et tout le reste. Ça ne sera pas les derniers que je croiserai, loin de là. Pas ceux non plus avec qui je nouerai les meilleures affinités.

Vu de France, les formalités administratives à l’entrée en Nouvelle-Zélande semblent relativement importantes. Outre tous les papiers apparemment nécessaires (visa, passeport, assurance santé, billet de retour ou preuve de revenus suffisants pour l’acheter, etc.), un contrôle minutieux des bagages doit être effectué pour ne pas importer d’éléments contaminants la faune et la flore, en grande partie endémiques. Dans les faits, les contrôles des papiers ont été très sommaires (« working holiday visa ? Hmm ok, tampon sur le passeport, allez-y » « Q-Qu-quoi ?? Non mais attendez, regardez, j’ai mon assurance santé, et puis regardez mon relevé de compte, je peux acheter un billet retour, z’entendez ??? ») mais les vérifications des bagages bien réelles.
J’ai à l’occasion ma première expérience de l’accent kiwi. Le type de la douane me demande : « Do you have a tint ? ». Devant mon air perplexe et mon questionnement, il insiste : « A tint, you know », et de faire le geste universel du toit de la maison avec les deux mains. « Aaah, a tent ! No, no, I don’t have a tent. ». Je vais m’y faire assez vite, suffit d’avoir l’habitude et de faire la transposition sonore en cas de doute : a pin = a pen. A part ces quelques sonorités inhabituelles à mes oreilles, l’anglais néo-zélandais est très compréhensible.

Plus compréhensible en tout cas que celui de la vieille chauffeur de taxi originaire des Iles Samoa qui me conduit, au milieu de la nuit, à la première auberge de jeunesse de mon séjour. Elle me dit que le mien est très bon, ce qui, venant d’elle, n’était forcément d’une véracité absolue, mais c’est toujours bon à prendre. Et de m’indiquer, avec conviction et dans la nuit noire, les lieux notables à visiter et les routes à emprunter pour s’y rendre, avalanche généreuse de noms que mon cerveau fatigué aura oubliés dès le lendemain.